« Open Innovation »
Ecrit par François ROMON, 21 octobre 2009
Toute la profession en parle.
L'OCDE a publié en octobre 2008 une étude Open Innovation in Global Networks, d'où il ressort que 40 % des entreprises françaises innovantes pratiquent l'open innovation, et a organisé en janvier 2009 un atelier "Workshop on Innovation for Development : converting knowledge to value".
Le séminaire Ressources Technologiques et Innovation de février 2009 de l’Ecole de Paris du Management était consacré à l’« Open Innovation » ; les rencontres de l’Usine Nouvelle des 26 au 28 mai 2009 à Paris s’intitulaient « Innovation ouverte : quelle stratégie pour une meilleure compétitivité ?».
L'édition 2009 du Salon européen de la Recherche et de l'Innovation (SERI) qui s'est tenu en juin 2009 à Paris avait choisi pour thème...l'Innovation ouverte.
Le séminaire de recherche de la Chaire Management de l’innovation de l’Ecole Polytechnique du 11 juin 2009 avait pour titre « Open and distributed innovation »; la prochaine rencontre du Groupement de Génie Industriel le 10 décembre 2009 à Reims a pour thème...l'open innovation; le Réseau des Instituts d'administration des Entreprises (IAE) organise ses ateliers du 26 mars 2010 à Caen avec comme thème: "Les modèles d'innovation ouverte: quelles pratiques pour quels enjeux?".
Franck AGGERI et Armand HATCHUEL vont encore plus loin en avançant, dans leur chronique économique du journal Le Monde (8 décembre 2009) le concept "d'innovation collective" sans laquelle "Pas de progrès".
On en oublie certainement !
Nous étions passés de l’éclair de génie de l’inventeur solitaire au travail en groupe projet au sein de l’entreprise et nous voilà maintenant de plain pied dans l’ère des partenariats d’innovation.
Si l’expression « Innovation ouverte » est récente, la pratique en est, elle, plus ancienne.
Depuis pratiquement sa création en 1970, le célèbre Palo Alto Research Center, PARC, de XEROX ne travaille pas que pour les nouveaux produits de l’entreprise, mais est une véritable pépinière d’innovations pour beaucoup d’autres entreprises ; de nombreux progrès réalisés par Apple au niveau de l’interface utilisateur, le logiciel Microsoft Word en sont issus. Selon CHESBROUGH (2003), en 1998, le PARC de XEROX avait déjà essaimé 24 entreprises, dont 10 sont devenues des entreprises renommées comme ADOBE ou SYNOPTICS ; et s’il y a bien eu quelques fuites, ces technologies ont été divulguées par décision de XEROX, l’entreprise ayant choisi de ne pas les développer elle-même.
Dans les années 1990, Michelin a conçu le système PAX, nouvelle façon de penser le pneu pour un meilleur guidage, une meilleure tenue de route, un meilleur confort du conducteur, comme une innovation ouverte (Ateliers ANRT de l’innovation, 2002). Le manufacturier français détient la propriété industrielle sur chaque composant et sur le système global ; il conclut d’abord un partenariat avec ses concurrents (Pirelli, Goodyear et Sumitomo-Dunlop) en leur concédant la licence d’exploitation, puis avec les fournisseurs de composants, enfin avec les autres équipementiers de l’automobile qui sont également intéressés au développement du système. En 2 ans, 60 % de la première monte mondiale est devenue accessible au système PAX.
Procter & Gamble cherche en permanence des idées de produits nouveaux auprès de ses partenaires. Selon HUSTON (2004), l’entreprise utilise, pour ce faire, des outils perfectionnés de recherche sur Internet et collecte, ainsi, de façon systématique, des informations sur un vaste ensemble de développements au niveau des technologies et des marchés. Procter & Gamble a, par ailleurs, ouvert deux sites Internet : « NineSigma.com » qui permet à des entreprises clientes d’obtenir rapidement et à bas prix des technologies, des produits et des services, en les reliant aux fournisseurs détenteurs de la meilleure solution au niveau mondial ; et « Innocentive.com », marché en ligne sur lequel les entreprises peuvent être mobilisées en tant que sources de savoir et de développement dans le cadre d’un réseau d’innovation élargi.
On pourrait citer encore de multiples autres initiatives comme celle d’Orange Lab ou de Kodak qui a formé une Joint Venture avec INTEL pour développer le projet « Picture CD » dans la photo numérique.
Rappelons, pour finir, l’initiative originale de Saint-Gobain qui recherche des jeunes entreprises innovantes en prenant des participations dans des sociétés de capital-risque non pas pour réaliser des plus values, mais bien pour établir des partenariats privilégiés afin de développer de nouveaux produits (voir dans la rubrique « Pratiques innovantes », l’Open innovation selon SG-Nova).
Les pouvoirs publics, quant à eux, favorisent systématiquement les projets coopératifs, non seulement parce que c’est leur rôle de développer l’économie pour un ensemble d’entreprises mais aussi parce qu’ils sont convaincus que les projets coopératifs, sources de fertilisation croisée, génèrent plus et mieux d’innovation (PCRDT au niveau européen, pôles de compétitivité au niveau français).
Selon T. WEIL (EPM/RTI, 2009), plusieurs facteurs se conjuguent pour que se développe l’innovation ouverte :
la globalisation de l’économie,
la disposition de techniques permettant des solutions intégrées,
le développement des réseaux.
Mais doit-on oublier, pour autant, les exemples peut-être tout aussi nombreux de success stories dues à des démarches solitaires ?
Le Président de Sony, Akio Morita, n’a-t-il pas porté seul, contre l’avis de ses propres chercheurs et commerciaux, son projet de Walkman, devenu un succès mondial ? Le Post’it, autre succès mondial, ne doit-il pas (presque) tout à l’opiniâtreté d’un seul salarié de 3M, Arthur FRY ? Microsoft ne détient-il pas 90 % du marché mondial des systèmes d’exploitation des ordinateurs parce qu’il a maintenu envers et contre tous (y compris au prix de procès et d’amendes colossales) son système d’exploitation Windows comme un standard exclusivement propriétaire ?
Que dire, enfin, de James Dysson ? TIDD & BESSANT (2003) nous rappellent que ce génial bricoleur a développé son premier aspirateur sans sac à poussière en 1979. Il a mis plus de 14 ans et réalisé tout seul des centaines de prototypes avant de pouvoir déposer un brevet. En octobre 2000, il gagne, enfin, son procès contre la puissante compagnie multinationale Hoover qui avait copié son invention. Aujourd’hui, son aspirateur a été classé par l’UK Design Council comme l’un des produits du millénaire, il se vend comme des petits pains et les grandes marques ont été obligées de prendre des licences.
En réalité, nous ne pouvons que constater qu’il s’est formé un consensus pour considérer que c’est globalement mieux de faire de l’innovation ouverte que de l’innovation fermée.
C’est sans doute vrai.
Nous pouvons aussi nous demander où sont les recherches en management de l’innovation qui nous permettraient d’établir de façon scientifique de solides corrélations entre un mode d’innovation, un type de technologie, un segment de marché et de meilleures chances de succès.
Références
- CHESBROUGH Henry W. (2003). Open innovation, Boston, Massachusets, Harvard Business School Press.
- MIDLER Christophe, SEGRESTIN BlancheAteliers ANRT de l’innovation (2002, ). Innover par les coopérations et les partenariats.
- HUSTON L. (2004), “Mining the periphery for new products”, Long range Planning, 37, pp. 191-196.
- EPM/RTI (2009/02, WEIL Thierry). Open Innovation.
- TIDD Joe, BESSANT John, PAVITT Keith (2005, 3rd edition). Managing innovation. Integrating Technological, Market and organizational Change, London, John Wiley & Sons Ltd, 582 pages.
Site MI. Capitalisation
Espace Club. Petite histoire de l’innovation
« L’Austin «Mini »
Ecrit par François ROMON, 05 décembre 2010
« Ne copiez jamais, au grand jamais, ce que font les autres »
L’Austin "Mini" est née en 1959. A l’époque, le problème des constructeurs automobiles était de dynamiser un marché sérieusement éprouvé par la flambée du prix du pétrole, suite à la crise de Suez de 1956. D’où un projet d’innovation très audacieux...et une réussite extraordinaire !
« Faites-moi la plus petite voiture capable de transporter quatre adultes » avait demandé Sir Leonard Lord, le patron de la British Motor Corporation (BMC), à son directeur technique Alexander ISSIGONIS. Celui-ci releva le défi avec d’autant plus de conviction qu’il savourait, avec la confiance qu’on lui accordait ainsi, une petite revanche personnelle : chez Morris, avant la fusion avec Austin pour constituer la BMC, la Morris Minor qu’il avait conçue en 1947 avait été mal accueillie par la direction générale et avait pourtant rencontré un grand succès sur le marché puisque fabriquée à plus d’un million d’exemplaires.
Celui qui deviendra Sir Alec ISSIGONIS a des idées bien arrêtées sur le processus d’innovation. Ses instructions aux membres du groupe projet ADO15 (pour Austin Drawing Office project number 15) sont claires : « Ne copiez jamais, au grand jamais, ce que font les autres » [Industries et Techniques, 1998]. En effet, l’Austin Seven ou Morris Mini Minor, celle qu’on appellera affectueusement la « Mini », ne va ressembler à aucune autre voiture : c’est la plus courte de toutes les berlines (trois mètres), son moteur transversal a été inventé pour l’occasion et elle intègre une foule de novations techniques (le premier joint cinétique de l’industrie automobile, la première suspension en cônes de caoutchouc, etc.).
La « Mini » : un succès commercial sans précédent
La "Mini" est la première voiture vraiment adaptée à la circulation urbaine, elle deviendra aussi un « must » des citadins qui se veulent « branchés ». Les Beatles l'adopteront : difficile de bénéficier d'une meilleure publicité ! La petite merveille de Sir Alec se vendra à des millions d’exemplaires et sera fabriquée sans interruption jusqu’en 2000, soit pendant plus de 40 ans : qui dit mieux ?
La "Mini", aujourd’hui comme il y a 50 ans [Wikipédia, MAJ 20/10/2010]
La clé du succès de la « Mini » c’est aussi un management de l’innovation exemplaire
L'exceptionnelle longévité de la "Mini" n’est pas seulement l'histoire d’un formidable succès commercial mais aussi celle d’un management de l’innovation exemplaire. On aimerait en effet trouver plus souvent aujourd’hui ce partage idéal des rôles entre maître d’ouvrage et maître d’oeuvre d’un projet d’innovation : le premier ne donnant que l’objectif à atteindre mais apportant les moyens et prenant les risques, le second ayant carte blanche, étant très inventif mais restant fidèle au cahier des charges et tenant ses contraintes de délai et de coût.
Une voiture devenue mythique
BMW, repreneur des successeurs de la BMC, a gardé la marque "Mini". L'entreprise allemande a tenu à fêter dignement les 50 ans de la très anglaise Austin "Mini" en organisant le "Mini United" sur le circuit de Silverstone en Angleterre et en offrant un modèle unique, signé Paul SMITH, à Olivia HARRISSON, la veuve du guitariste des Beatles.
La "Mini" imaginée par le styliste Paul SMITH qui a été offerte par BMW à la veuve du guitariste des Beatles à l’occasion du "Mini United" en mai 2009 [BMW AG]
Selon Le Monde [17/07/2009], pas moins de 10.000 amoureux de leur "Mini" étaient réunis à Silverstone à cette occasion. Ils avaient conservé leur chère voiture en parfait état de marche depuis des dizaines d’années... ou bien ils venaient tout juste de l’acheter car elle a été réincarnée par BMW dès 2001, soit un an après la fin officielle de sa fabrication.
Références documentaires
- Industrie et Technologies (1998), « 40 ans d’innovations », Numéro spécial, novembre 1998, page 20
- Le Monde, 17/07/2009, La Mini bouscule encore les clichés à 50 ans
- Wikipédia, Mini, MAJ 20/10/2010
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